Une énigme qui n'en est pas vraiment une
Roland Dormans
L’exposition Soleils noirs qui s’est tenue au Louvre-Lens du 25 mars 2020 au 25 janvier 2021 proposait aux visiteurs une grande toile d’Alfred Lagache en provenance du musée des Beaux-Arts de Rouen et sobrement intitulée L’énigme[1].
Dans l’excellente visite privée[2] proposée par la chaîne YouTube Scribe Accroupi, Marie Lavandier, commissaire de l’exposition, consacrait quelques minutes à la présentation de l’œuvre (de 22'22" à 24'12").
En l’occurrence, par abus du conditionnel, elle surjoue un peu trop ostensiblement le Mystère. Car l’imposante et hiératique figure féminine au pavot rouge est incontestablement Isis, dépeinte en veuve d’Osiris, son époux, assassiné par Seth. Nous voyons ici, sans l’ombre d’un doute, un tableau de franc-maçon peint pour des francs-maçons. Ne se désignent-ils pas eux-mêmes Fils de la Veuve ? Le sceau égyptien du faucon, judicieusement filigrané d’or, n'est autre que la figure solaire et illuminatrice d’Horus, le fils d'Isis. Notez aussi les trois couleurs (noir, blanc, rouge), les trois marches (degrés), les trois fleurs, le grand triangle du voile d’Isis opposé au triangle inversé des larges bandes de tissu noir qui se croisent sur sa poitrine et ne laissent pas d'évoquer les sautoirs réservés aux degrés élevés... Les trois autres fleurs échouées sur le premier degré du seuil traduisent sous la forme d'une triple "défloration" les épreuves initiatiques réservées à l’impétrant ; le pavot, fleur de l'oubli, rappelle la quête de la Parole perdue (Verbum dimissum) ; le grand vase aux deux pavots à côté d'Isis pourrait être le Tronc de la Veuve, où les participants à la loge déposent leurs oboles afin de contribuer symboliquement à la régénération du corps d’Osiris, dissimulé par Seth dans un tronc d’arbre... Notez encore l'angle droit, en équerre, du pan de tissu gris couvrant l'entrejambe de la figure. Équerre plus clairement lisible encore dans les deux bandes blanches de largeurs différentes qui délimitent le grand pan de mur rouge. Remarquons, au passage, que ce mur porteur des ailes d’Horus scelle l’entrée du Temple aux profanes… Quant au masque tenu par Isis dans sa main droite, est-ce de ses propres yeux qu'elle l'a enlevé ou des yeux d'un de ses fils ? Ou plus logiquement, puisqu'elle se tient au seuil du temple fermé, ne le destine-t-elle pas au novice sur le point de passer pour la première fois la porte de la loge ?
Désormais démasqués, ses fils, doublement, ce qui ne manque pas de sel, en ces temps de sinistres mascarades… Sujet à plancher sérieusement en loge, plutôt que de jouer puérilement à qui cache, montre ? À vous de voir, frères. Faux-frères ?...
[2] https://www.youtube.com/watch?v=GJBbjrYH07s À partir de 22’22’’ jusqu’à 24’12 ‘’.
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