Assomption vénitienne
À l'inverse de celui d'Archimède, le levier du dogme ne peut trouver point d'appui que sur le vide. Voyez le grand tableau d'autel des Frari, peint quatre cent trente deux ans avant la proclamation solennelle du dogme de l'Assomption par Pie XII... Impossible d'entendre cette ascension flamboyante sans musique : flûte, tambourins et tourbillon de voix enfantines rythment l'envol. Bien vu : rendre le vide par la plénitude des formes ; évidence, ces angelots tout en rondeurs ne sont pas des corps ; ils ne sont rien, énergie du vide, lignes de force, champ d'attraction inversée... Subtile théologie du Titien. Un seul d'entre eux a la jambe droite tendue, étonnante cariatide rebondie ; n'est-ce pas lui et lui seul qui d'un vigoureux coup de pied vient de prendre son impulsion sur du vent – non, non, pas sur la tête de l'apôtre, afin de projeter l'extatique passagère et sa nacelle d'angéliques dodus au-delà des nuées, jusqu'au centre du cercle d'or, orbe céleste gorgé de lumière, où se déploient sans fin les bras du Père et son infinie munificence ?
Roland DORMANS .
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