Le swastika, le publiciste et le toutou à Pavlov
Roland Dormans
Vu récemment dans un commentaire, sous une vidéo consacrée au passeport sanitaire : QR code = swastika, suivi de quelques mots expliquant que le QR code, à l’instar du swastika, était un symbole au service d’une idéologie perverse.
Non, au contraire du swastika, le QR code n’est pas un symbole, mais un simple algorithme autorisant l’accès à des données. Point. Un outil dont la forme visuelle ne renvoie qu’à sa fonction, quel que soit l’usage qui en est fait.
Toute image n’est pas un symbole...
Un symbole n'est jamais univoque ; il embrasse sens positif et négatif ; sa force, son énergie et sa permanence résident dans son potentiel d’expressions, d’associations et d’amplifications[1]. Ici entre en scène un protagoniste, pas vraiment sympathique, le publiciste. Il instrumentalise le symbole pour modeler les opinions et asservir les consciences. Par amalgame à un mot, à un concept, il en gèle le sens, en détourne la puissance dans un but commercial, moral, politique ou religieux. Ainsi, depuis plus de 80 ans, dans le cadre d’un implacable combat idéologique, la croix gammée a été systématiquement associée à un parti, à un pays et au « mal absolu » ; conséquence : dès que nous la voyons, nous grognons, bave aux lèvres, et nous hurlons au loup...
C’est qu’il le veut son susucre, le toutou à Pavlov…
Un autre internaute, en réponse au commentaire cité plus haut, et en bon chienchien soucieux de ne pas uriner sur la botte du maître, argue que le swastika bouddhiste, dit manji[2], est « gentiment » tourné vers la gauche et posé horizontalement sur une de ses branches, symbole de stabilité et de paix, tandis que la croix gammée allemande, elle, est « méchamment » tournée vers la droite et décalée de 45°, symbole de violence et de guerre… Pas faux, mais un peu sommaire et est-ce pour autant une lecture intègre des deux variantes du même symbole ? Et n’est-ce pas étonnant de voir à quel point une société reflète le symbole qu’elle s’est choisi pour la représenter ? Au point de se demander qui de la mariée ou du marié prend possession de l’autre ?
Lorsqu’un homme, une famille d’hommes, un peuple, une communauté religieuse adoptent un symbole, l’accent est naturellement mis sur le sens positif ; au contraire, le symbole de l’ennemi, de l’étranger, de l’hérétique sera systématiquement sali, décrié, nié, brûlé.
Aveuglement.
Pour compléter le tableau et restaurer la signification du « swastika » dans son intégralité, ne faudrait-il pas inverser la lecture proposée par monsieur « Moi pas barbare germain, non, non, moi paisible bouddhiste » ?
Le « swastika » bouddhiste tourné vers la gauche et horizontal serait alors lu comme la marque d’une société figée, passéiste, sans transcendance, une société d’hommes assis aux yeux fermés, fatalistes, efféminés, préoccupés avant tout de ne pas souffrir ; tandis que le « swastika » national-socialiste, tourné vers la droite et décalé de 45°, serait le sceau d’une société dynamique, tournée vers l’avenir, pleine d’énergie spirituelle, une société d’hommes debout, virils, aux yeux grand ouverts, prêts à souffrir, combattre et mourir pour leur noble idéal...
Je ne ferai pas l’injure au lecteur qui m’a courageusement suivi jusqu’ici[3] de proposer des exemples, tant l’histoire comparée des deux types de société démontre irréfutablement la pertinence de l’analyse intégrale[4] du symbole, prenant en compte les deux faces de la médaille.
En ces temps d’effrénée propagande, le même lecteur improbable aura-t-il compris l’urgence d’apprendre aux enfants la reconnaissance et la lecture intègre, intégrale, pas intégriste, des symboles ?
Vœux pieux ?
Sans aucun doute.
[1] Polysémie ne veut pas dire : « Tout et n’importe quoi. » Une première approche non-idéologique et intégrale du symbole pourrait être de le situer par rapport aux six directions dans l’espace (gauche, droite, avant, arrière, haut et bas), en mode statique ou dynamique, etc.
[2] Le manji bouddhiste est tourné vers la gauche. Le swastika hindou est tourné vers la droite. Tous les deux reposant horizontalement sur une de leurs branches. Il n’est question ici que du premier.
[3] La plupart ont dû s’enfuir en s’arrachant les vêtements et en hurlant au blasphème...
[4] Faut-il préciser que cette brève analyse s’est concentrée uniquement sur le swastika et son orientation, sans prendre en compte la figure entière et les éléments qui la constituent (formes, couleurs, nombres, etc.) ? Une analyse exhaustive des deux formes du même symbole est en gestation...
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